On s’attendait à mieux, on aura droit au pire !
Une réforme de la protection de l’enfance était dans les tiroirs depuis un moment. Elle était d’ailleurs devenue inévitable face aux mises en cause de plus en plus fréquentes de la mal-nommée aide sociale à l’enfance. On aurait dû s’attendre à mieux, nous avons eu droit au pire autour du thème de la condamnation du familialisme.
C’est ainsi que les mises en cause ont été retournées par une argumentation servie sans contradiction sur les plateaux télés par un trio consensuel dans "l’anti-familialisme". Ce fut le cas notamment sur France 5 le 16 septembre 2014 suite à l’instructif reportage " Enfance en souffrance, la honte ! ".
L’incontournable trio de la rupture familiale
On retrouva sur le plateau :
– Michèle Créoff, directrice adjointe du pôle enfance de l’exécutif communiste du Val de Marne : celle-là même qui s’interrogeait sur l’aptitude à la parentalité des handicapés ;
– Maurice Berger, le pédopsychiatre qui parle de parents toxiques ;
– Lyès Louffok, l’enfant placé devenu travailleur social et chargé de mission au secrétariat d’État à la famille, il a eu le malheur d’être né d’une mère lui ayant gâché son enfance aussi absente soit-elle.
Les uns et les autres ont témoigné du principal des maux de l’ASE : non pas les placements abusifs (rarissimes selon Michèle Créoff : " pas plus de 1 à 2 % "), ni le mépris des enfants et des familles, ni même les détournements de fonds, la course aux placements et aux budgets ainsi qu’aux postes. Non, pour eux le problème c’est le familialisme.
Le familialisme késaco ?
Oui le familialisme, substantif à prononcer d’un air dégoûté.
Autrement dit le principe selon lequel la séparation familiale est la mesure envisageable en dernier ressort, avec l’obligation d’associer les familles aux choix réalisés pour l’enfant.
Le familialisme s’attacherait donc de façon exagérée à la famille. Et pourtant la famille est l’institution de base d’une société démocratique et libérale, le Conseil de l’Europe l’a encore rappelé. Les droits de l’individu et de la famille forment une base constitutionnelle limitant les prérogatives de l’État.
Mais pour les anti-familialistes cette conception doit être abolie dans la fameuse logique qui voudrait que les enfants n’appartiennent pas à leur parents.
Prégnance de l’idéologie familialiste dans l’organisation du dispositif de protection de l’enfance ! Non c’est une blague ?
Le 16 décembre 2014 on retrouve les deux premiers du trio à un colloque à la Sorbonne sur l’enfance maltraitée, ils participent à un comité de réflexion visant à proposer des solutions de réforme quant à la " prise en charge de la protection de l’enfance " dans le cadre de la proposition de loi Meunier-Dini en débat au Sénat depuis le 11 décembre 2014.
Pour ce comité, les mesures du projet de loi sont passées au crible avec la mise en accusation des placements trop tardifs, et élément croustillant, nous citons :
" Il est également fait le constat de la prégnance de l’idéologie familialiste dans l’organisation du dispositif de protection de l’enfance. Il s’agit d’une singularité française due, peut-être à des courants de pensée différents (…) qui s’additionnent pour promouvoir avant tout l’éducation au sein de la famille au détriment d’une vraie réflexion sur les systèmes familiaux mettant en danger les enfants. "
Un propos tout à fait scandaleux et combien faux quand on connaît l’esprit anti-famille qui règne au contraire au sein de l’ASE. Mais dans l’anti-famille il y aurait donc des idéologies qui veulent aller plus loin encore et ces idéologies s’expriment pour participer à la loi qui a été votée !
Les familles sont présumées maltraitantes
Il en ressort une critique de la loi du 5 mars 2007, loi que nous sommes les premiers à critiquer au CEDIF puisqu’elle permet des placements sans maltraitance avérée. Mais la critique des anti-familialistes est toute autre, elle consiste à dire " d’abord on protège et ensuite on recherche l’adhésion des parents et on organise l’accompagnement. "
Sur le principe il convient certes de protéger d’abord l’enfant, cependant l’opposition parent-enfant introduit une présomption de maltraitance qui sera systématiquement utilisée pour écarter les parents du devenir de leur enfant.
Il en ressort encore des propositions pour certaines inquiétantes puisque les experts psychiatres ou psychologues devraient suivre une formation en protection de l’enfance (avec cours d’anti-familialisme ?) et que le refus de se faire expertiser par les parents permettrait de faire placer l’enfant.
Finalement la loi Meunier Dini est votée à l’Assemblée nationale au bénéfice des placeurs à en juger par ses très probables effets. On ne s’étonnera pas que les deux sénatrices qui en sont à l’origine aient aussi pu déclarer : " Le système français reste profondément marqué par une idéologie familialiste, qui donne le primat au maintien du lien avec les parents biologiques. "
Des informations préoccupantes comme s’il en pleuvait
L’effet le plus vraisemblable de la loi Meunier Dini est d’augmenter automatiquement le nombre de informations préoccupantes puisque une IP pour un enfant impliquera une enquête concernant toute la fratrie.
De surcroît les moyens sont mis en place pour que ces informations préoccupantes puissent remonter par les canaux des médecins de famille et des enseignants. En effet, alors que les médecins ne peuvent être poursuivis pour signalement erroné, un médecin référent dit de la « protection de l’enfance » fera le relais entre les services liés à l’ASE et les médecins de famille, les urgentistes, etc …
Un référent éducation effectuera le même relais pour les cas d’absentéisme scolaire.
On peut certes comprendre la nécessité de lutter contre de réelles maltraitances, mais il est absolument certain que la véritable maltraitance va être noyée dans de nouvelles situations très hypothétiques de mineurs susceptibles d’être en danger pour les raisons les plus variées y compris la revendication de certains parents contre le contenu de programmes ou les rythmes scolaires …
Voila qui n’est donc pas propice à l’éradication de la véritable maltraitance, trop d’informations préoccupantes tuant l’information préoccupante.
Des parents marginalisés dans leur parentalité
Un autre effet prévisible est l’exclusion des parents d’un nombre plus important encore de décisions relatives à leur progéniture, ces actes quotidiens pris à l’initiative de l’assistant familial (on peut penser là à des prestations médicales) sont listés dans le projet pour l’enfant.
Mais les parents peuvent-ils s’opposer à des abandon d’éléments relatifs à leur autorité parentale quand ils ne sont pas maltraitants ?
Des moyens donnés pour augmenter le stock d’enfants à adopter
La loi Meunier Dini va faciliter l’adoption à partir d’un constat de délaissement émis par une commission, les faux largement dénoncés sans le moindre recours, serviront-ils à alimenter des délaissements fantaisistes ?
Certes il suffit qu’un membre de la famille manifeste le désir de prendre en charge l’enfant pour que le délaissement soit écarté, mais encore faut-il que cette demande soit jugée conforme à l’intérêt de l’enfant.
Or dans un certain nombre de cas une personne de la famille demandant le statut de tiers de confiance rencontrera des difficultés avec l’ASE du fait de cette simple demande.
On peut donc s’attendre à des multiplications de délaissements pour adoption alors que des membres de la famille se proposaient d’assurer le bonheur de l’enfant comme c’est déjà le cas en Grande Bretagne.
Faire le deuil des familles
Un placement de longue durée fragilise certes l’enfant à la recherche de référents parentaux et d’une stabilité affective.
Au nom de cette stabilité, on ne peut au CEDIF que soutenir toute initiative visant à éviter que l’enfant soit trimbalé de familles en familles, pour autant il convient de constater que la loi Meunier Dini considère officiellement le retour dans la famille naturelle comme impossible au-delà d’un délai de placement à déterminer par voie de décrêt !
La finalité officielle de l’ASE est donc détournée, délaissement ou non ! L’adoption est encore au bout du chemin, pour le meilleur quelquefois, pour le pire souvent.
Oui, si la famille n’est pas maltraitante on ne saurait considérer que cette mesure est compatible avec le droit de tout enfant de vivre au sein de sa famille, qu’il s’agisse de ses parents ou de sa famille plus élargie.
Des lois inquiétantes
La remise en cause de la primauté institutionnelle de la famille, sa mise sous tutelle en matière éducative relève proprement et simplement de ce qu’il faut bien qualifier d’un glissement de régime par la consécration de la toute puissance de l’État et l’annihilation des libertés et contre-pouvoirs. D’autres lois vont dans le même sens, on peut penser à la loi sur le renseignement, c’est pour cela que le CEDIF, association éminemment familialiste parmi les associations de défense des libertés individuelles et de la famille, a besoin de tout votre soutien.
CEDIF