La revue Nexus, dans son numéro de septembre 2014, a consacré un dossier à la protection de l’enfance réalisé par Laurence Beneux, une journaliste connue notamment pour avoir co-écrit " Le livre de la honte " au sujet des réseaux pédocriminels. / Pour voir le dossier en question et lire des extraits : http://asso-cedif.e-monsite.com/pages/interpellations/le-scandale-des-placements-abusifs.html /
Le grand n’importe quoi de la protection de l’enfance ?
Le titre du dossier est d’ailleurs de bon augure : " Protection de l’enfance, le grand n’importe quoi ! ". Sauf peut-être que ce grand n’importe quoi est organisé et possède sa propre finalité : celle de justifier le développement des prérogatives de travailleurs sociaux.
En effet, la loi de 2007 a permis la multiplication de mesures en dehors du champ strictement défini de la maltraitance des enfants. Ceci a des conséquences catastrophiques sur la famille ainsi que sur la véritable maltraitance, laquelle ne se distingue plus des cas d’" enfants susceptibles d’être en danger ". Par contre les retombées de cette loi sont tout à fait favorables quant au développement des missions des travailleurs sociaux. Le service public contre le public et au service de ses fonctionnaires et amis, voila donc pour resituer le contexte de ce grand n’importe quoi.
Un paradoxe trompeur
Le constat de Laurence Beneux est bien le même que le nôtre : " Des enfants aimés par leurs parents subissent des placements forcés en foyer ou en famille d’accueil, pendant que d’autres meurent sous les coups pour n’avoir pas été extraits de leur famille …" Ce constat nous l’avions fait aussi avec " Innocence en danger " en suite de notre mobilisation dans l’affaire Marina. Pour certains il était paradoxal de parler de placements abusifs alors que des enfants mourraient des mains de géniteurs.
Mais il fallait creuser davantage pour mettre en évidence la logique de l’ASE, laquelle pourra placer l’enfant d’une famille "surprotectrice" et se contenter d’une AEMO pour effectuer un suivi à long terme de parents lourdement maltraitants. Plus le suivi dure et mobilise de personnels, plus les budgets et les postes s’allongent. Ce n’est d’ailleurs pas un mystère que d’apprendre que les enfants martyrs l’étaient dans des familles déjà suivies par l’ASE. Laurence Brunet, pour le CEDIF Bretagne, avait d’ailleurs dénoncé ces travailleurs sociaux qui prenaient le thé avec des parents, pendant que leur fille se faisait violer.
On comprend donc que, contrairement à ce qui est écrit dans le dossier (fin de la page 52), ce n’est pas faute de places, de budgets ou au nom d’une difficulté politique à reconnaître la maltraitance que les enfants maltraités ne sont pas retirés de leur famille. Si tels sont bien les arguments de l’ASE, le CEDIF, première association consacrée à la défense de l’institution familiale dit et démontre exactement le contraire.
On ne peut d’ailleurs qu’être interloqués des demandes de crédits supplémentaires réclamés par les travailleurs sociaux dès qu’un enfant suivi décède, Indécence ? Le dossier nuance d’ailleurs plus loin cette vision en reprenant l’enquête de la Cour des Comptes qui avait bien mis en évidence la volonté des conseils généraux d’optimiser le taux d’occupation des structures d’accueil, qu’il s’agisse des foyers ou des assistants familiaux. En effet, faute d’optimiser, il faut payer des personnels inoccupés.
Mais on peut faire confiance à ces personnels pour générer leurs propres emplois, c’est avec zèle qu’ils participeront à augmenter les placements au travers de rapports sociaux qui les justifieront. Ils se diront ensuite débordés et obtiendront des créations de postes.
Il suffira de recruter davantage et de créer des structures supplémentaires pour que d’un coup le taux de placement se mette à augmenter. " On a les moyens de placer alors on place ", disait une responsable locale de l’ASE sur le ton de la confidence. Le cercle vicieux de la logique du placement peut ainsi se comprendre.
La parole est à l’ASE du Val de Marne
Pour l’ASE, Michèle Créoff, en responsabilité au conseil général du Val de Marne, s’exprime. Celle-ci reprend le discours corporatiste habituel du manque de moyens : " nous manquons de places de foyers, d’assistantes maternelles, d’argent ". Elle est dans un total déni quant aux placements abusifs : " pas plus d’un à deux pour cent ! … l’erreur est humaine ! … nous essayons de rendre des rapports objectifs ". Au contraire, elle considère qu’il ne faut pas hésiter à placer davantage, ce qu’elle appelle lutter contre " le refus d’accueillir les enfants ! ".
Une conception qui découle de sa volonté de rompre avec une " politique familialiste ", jargon post-marxiste destiné à faire passer le message à banaliser les placements définitifs. Post-marxiste car derrière ce terme se cache toute la conception de la famille comme instance d’aliénation et de reproduction sociale.
Pour un exemple qu’elle pense consensuel, Michèle Créoff se lâche : " Il y a un débat autour de la parentalité des handicapés psychiques ou des handicapés mentaux. Le critère doit toujours être l’état de l’enfant. Dans ce dernier cas, s’il n’apprend pas à parler, s’il n’apprend pas à lire, peut-être que le placement le lui permettra … "
Des propos terrifiants alors que le conseil général du Val de Marne place pour obésité avec des résultats catastrophiques. Quant aux handicapés psychiques, ce ne sont quelquefois que de simples dépressifs et la mode est au "bipolaire", voila donc une catégorie très large identifiée par les travailleurs sociaux pour les besoins de placement.
On pensait aussi naïvement que tous les enfants pouvaient apprendre à lire et écrire à l’école. Pour Michèle Créoff, il faudrait placer ces enfants " d’handicapés psychiques ou mentaux ". Madame est trop bonne, sous l’Allemagne nazie ils étaient euthanasiés, en Suède ils étaient stérilisés, en URSS placés dans des camps.
Les expertises de Madame Michu
Une association de défense des usagers de l’administration évoque la question du répertoire ADELI sur lequel les assistants de service social, notamment, doivent s’inscrire pour pouvoir exercer. Nous connaissons bien ce dossier au CEDIF pour y avoir travaillé. Nos chiffres sont différents, mais effectivement il apparaît que des rapports sociaux ont été rédigés par des agents non répertoriés et n’ayant donc pas qualité pour les réaliser. Des rapports qui tiennent d’ailleurs souvent plus des commérages de Madame Michu (fautes d’orthographes en prime) que d’enquêtes sociales sérieuses.
Quant aux professionnels qui disent que cela n’est pas grave d’ignorer cette obligation légale, ajoutons que ces professionnels ne sont pas seulement des travailleurs sociaux, des magistrats adoptent le même discours ! Cette dérive favorise bien le mélange des genres : des travailleurs sociaux inscrits ou non au répertoire ADELI truffent leurs rapports socio-éducatifs de phrases relevant de l’exerce illégal de la médecine.
Pire des jugements les reprennent. Ainsi, nous avons un juge des enfants qui ose utiliser une formule telle que : " cette attitude interroge sur son état psychologique et sa capacité à se démarquer de son époux ". Voila donc un magistrat qui réalise sa propre pré-expertise et qui invite un expert d’un CMP à évoquer une malléabilité psychologique. Ce qu’il ne manquera pas de faire d’ailleurs !
Le cas de la fausse experte du tribunal de Périgueux est ensuite évoqué, mais n’hésitons pas à dire son nom : Régine Labeur. Nous avions d’ailleurs suivi cette affaire au moment des faits alors qu’une maman privée de sa fille, Madame Sylvie Bossu, s’était portée partie civile.
Une étrange conception du contradictoire
Il importait aussi de souligner la particularité de la procédure devant le juge des enfants. Et ce fut fait : les associations de défense des familles relèvent effectivement la grande difficulté à défendre des victimes face à des placements abusifs. Alors que dans n’importe quelle autre procédure, la partie contre laquelle des griefs sont émis se voit remettre les pièces et conclusions de l’adversaire, la copie des rapports sociaux n’est pas remise aux familles. Au mieux ce rapport n’est consultable qu’une heure au greffe avant l’audience, sachant que l’ASE en rajoutera au dernier moment.
AINSI LA FAMILLE EST ACCUSÉE SANS SAVOIR DE QUOI ON L’ACCUSE.
Cette situation découle d’une conception tout à fait particulière de la justice des enfants que nous continuons à dénoncer depuis la création du CEDIF.
Enfin, la représentante de l’association de défense des usagers de l’administration est bien dans son rôle lorsqu’elle dénonce le coût des placements pour les contribuables. En moyenne de 150 euros par jour et par enfant dans un foyer, il peut aller jusqu’à 500 euros pour certaines MECS (Maisons d’enfants à caractère social), nous préparons d’ailleurs un dossier à ce sujet.
La filière du business social de l’enfance
Si les arguments à charge de l’ASE sont convaincants, les points abordés pouvaient cependant être plus exhaustifs, car il faut bien comprendre comment des familles entrent dans le collimateur de l’ASE.
Contrairement à ce que l’on peut croire, ce n’est pas toujours l’ASE qui s’intéresse aux familles. Une propagande se développe invitant les parents à se tourner vers les structures des conseils généraux, le piège tendu est terrible, nous l’avons aussi décrypté. Une fois pris dans les mailles de l’aide, du conseil, de la confidence, les familles se retrouvent sans le savoir dans un réseau piloté par l’ASE qui traite des " difficultés et mise en danger " jusqu’au placement et à sa perpétuation.
Par exemple "L’Enfance Catalane", une association satellite de l’ASE parmi tant d’autres, rencontre des parents au travers des dispositifs d’aide à la parentalité, à la scolarité, d’accompagnement social personnalisé, de médiation familiale. Mais elle réalise aussi des mesures de suivi des familles à domicile, des enquêtes sociales pour le département et les services de justice, elle gère des points de rencontre. Sans parler des collaborations croisées qu’elle établit avec d’autres structures.
L’ensemble de la filière dite protection de l’enfance est donc l’objet d’une véritable concentration verticale, avec une extension vers l’ensemble de la prise en charge sociale. Ceci est évidemment permis par la loi de 2007 et génère des conflits d’intérêts gravissimes alimentant ce qu’il faut bien qualifier de business social des placements.
Bien sûr il reste encore les expertises, mais sont elles si indépendantes quand des jugements prennent la forme de pré-diagnostic et que les experts travaillent pour des centres médico-psychologiques habitués à travailler avec les services du conseil général ?
Famille, un gros mot ?
Pour Nexus, un représentant d’experts psychiatres aborde les nouvelles mauvaises raisons de placer des enfants. Parmi celles-ci le fumeux concept d’aliénation parentale. Comment des travailleurs sociaux, des magistrats peuvent-ils mettre en avant ce "syndrome" ?
Mais tout simplement parce qu’il existe un lobbying en ce sens et que tout ce petit monde a assisté à des conférences sur le sujet. Comme quoi le " n’importe quoi " ne tient à pas grand-chose, une conférence, un cocktail, un gueuleton, tant que l’excuse de placer est trouvée entre gens de bonne compagnie…
Le psychiatre-expert bien connu aborde aussi la dénonciation du "familialisme", décidément il aurait convenu de rappeler le rôle de la famille comme première des institutions et de s’en tenir au principe de subsidiarité pour prétendre vouloir s’occuper de l’enfance maltraitée. Hors de cela les délires anti-familialistes sont plus redoutables encore que le pseudo syndrome d’aliénation parentale et ne conduisent qu’à banaliser la rupture assumée du lien familial.
Rappelons que même en cas de défaillance des parents il existe souvent une famille capable d’accéder au statut de tiers de confiance et donc d’élever l’enfant, le code de l’action sociale et des familles prévoit d’ailleurs cette possibilité afin d’éviter un placement, mais ce dispositif est largement ignoré.
Mille affaires par an mal jugées par une seule personne !
Un ancien juge des enfants s’exprime ensuite, dans l’anonymat. Pourtant le début de l’entretien ne l’expose pas trop vis-à-vis de ses collègues. Il se plaint du manque de moyens de la justice, litanie habituelle…
C’est plus loin que le magistrat se lâche et assène quelques implacables vérités. Il reconnaît en effet des fautes de jugement, il ose même parler de l’ampleur des dégâts que font ces juges sous la pression de leurs convictions : " Mille par an… ! Le nombre approximatif de dossiers qu’il gère. "
Comment s’étonner alors de tous ces placements abusifs ?
Tour du monde de la maltraitance institutionnelle
La situation en Europe est évoquée avec le cas emblématique des internements administratifs Suisse, sur ce point le CEDIF est en relation avec les associations suisses et notamment avec Ursula Müller-Biondi évoquée dans le reportage et qui a eu l’amabilité de nous accorder plusieurs entretiens..
Nous avions aussi précisé la mesure radicale et nécessaire de liquidation du service de protection de l’enfance par Madame la gouverneur de l’Arizona.
La voix des victimes
Une maman témoigne de son calvaire face à l’ASE. L’enlèvement des enfants est scandaleux, déchirant, brutal et tout à fait injustifié, mais il relève d’un mode opératoire que nous connaissons bien. De tels témoignages nous pouvons effectivement en fournir en quantité et mettre en évidence les attitudes de travailleurs sociaux, des attitudes qui défient l’entendement pour ceux qui n’ont jamais eu affaire à eux.
Qui peut encore parler de simples dysfonctionnements ?
Une association locale de protection des familles est présentée. Celle-ci précise sur son site " la majorité des travailleurs sociaux … oeuvrent pour protéger les enfants … Ce site ne concerne que les dysfonctionnements…". Une telle présentation passe à côté de l’analyse de la véritable nature de l’ASE. C’est, en effet, ne rien comprendre au fonctionnement de la protection de l’enfance dans ce pays que de prétendre que les cas qui nous sont soumis relèvent de dysfonctionnements.
L’ensemble du dossier de Nexus donne d’ailleurs des arguments pour dire que la maltraitance institutionnelle dont se rend coupable l’ASE est un système. Comment parler de dysfonctionnements alors qu’à la tête de l’ASE 94, le "familialisme" est mis en cause et que la pratique des placements, devant s’inscrire sur le long terme, est considérée comme allant de soi et ce au nom de l’intérêt de l’enfant ?!
Comment parler de dysfonctionnements alors que des filières de placement sont mises en place donc sciemment construites au niveau des départements ? Que la pratique veut que bien des travailleurs sociaux se défoulent dans des rapports construits sur la base de convictions, interprétations voire de faux en écriture publique ?
On ne peut plus parler là de dysfonctionnements mais d’un système reposant sur des conceptions idéologiques et clientélistes profondément hostiles à l’institution familiale. Lorsque l’on a compris cela, alors on peut comprendre la façon dont fonctionne l’ASE, la façon dont pensent et réagissent la majorité des travailleurs sociaux, lesquels sont formés dans ce moule.
Nous lançons un appel à la nécessaire moralisation
Si l’on s’accorde à considérer que la moitié des placements pourraient être évités, un pourcentage d’ailleurs tout à fait crédible, alors on doit en tirer des conséquences et ne réserver les foyers et familles d’accueil que pour des enfants réellement maltraités.
On ne s’étonnera pas que toute une profession soit dans le déni (à l’exception de quelques justes qui se sont exprimés dans nos colonnes) car il faudrait alors supprimer un emploi sur deux, fermer des établissements de l’ASE, mettre au chômage des travailleurs sociaux dans les associations et récupérer 4 milliards d’euros.
C’est cela, rien de moins que nous exigeons au CEDIF outre des poursuites contre un certains nombres de travailleurs sociaux responsables de ruptures familiales dans le cadre du business de l’enfance. D’autres associations nous suivront-elles dans cette voie ou préfèreront-elles prendre un café avec l’inutile " défenseur des enfants " ?
comitecedif