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CEDIF Comité Elargi de Défense de l'Individu et des Familles

L’audition des mineurs en justice

QualificationsDans le cadre de conflits familiaux, d’accusations de mauvais traitements sur enfants, ou encore de mesures de placements, il est utile d’entendre la voix du mineur.

Mais attention l’exercice peut être soumis à un certain nombre d’abus comme nous allons le voir dans ce qui suit, cela ne doit pas pour autant écarter la possibilité de l’enfant de se faire entendre en justice mais dans des conditions où l’on puisse s’assurer qu’aucune pression ou manipulation n’ait pu être exercée ce qui est loin d’être simple.

Il faut donc d’abord se référer aux articles 338-1 du nouveau code de procédure civile et 338-1 du code civil afin d’examiner les conditions de cette audition.

L’absence de capacité juridique

Rappelons tout d’abord que le mineur ne possède pas la capacité juridique, c’est-à-dire que s’il détient des droits il ne peut les mettre en oeuvre lui-même. Ainsi il est sous la tutelle de ses parents qui le représentent et donc exercent ses droits à sa place.

Si les parents sont en conflit le problème consistant à déterminer qui peut agir pour l’intérêt de l’enfant se pose surtout si le mineur ne possède pas le discernement nécessaire. Un tuteur ad hoc pourra être alors désigné en justice selon l’article 388-2 du Code civil pour l’exercice des droits de l’enfant dans son intérêt ou ce qui est considéré comme tel.

L’enfant ne peut donc être lui-même partie une affaire, et le fait qu’il soit auditionné ne lui confère pas davantage cette qualité de partie. On considérera donc l’enfant comme un témoin qui peut permettre d’éclairer les magistrats sur la vérité ou qui peut encore manifester sa volonté dans une procédure qui le concerne par exemple pour fixer sa résidence en cas de divorce de ses parents.

Discernement requis

Tous les mineurs ne pourront pas être auditionnés, il faut d’abord s’assurer de leur capacité de discernement. Faute de ce discernement le mineur n’exprimerait pas des demandes qui lui sont propres mais qui lui auraient été soufflées, inspirées par un parent ou les services de l’ASE.

Seulement voilà, il reste à définir à partir de quand l’on peut considérer une capacité de discernement du mineur. Ce n’est pas une simple question d’âge même si la jurisprudence écarte les auditions d’enfants de moins de 10 ans. Cela n’est d’ailleurs pas systématique comme nous allons le voir plus loin,  et relève de l’appréciation souveraine du juge (donc pas d’appel possible sur ce point) qui devra également tenir compte de la maturité et du degré de compréhension du mineur.

Cela n’est pas si simple.

Décidément les juges doivent posséder bien des qualités pour juger également de la capacité de discernement d’un mineur alors qu’un tel exercice n’est pas sans danger même pour un psychologue.

Dans les faits, et pour les cas de figures dans lesquels l’enfant n’a pas d’avocat, le juge se fiera au travailleur social lequel est pourtant loin d’être neutre. Il suffira pour disqualifier la parole de l’enfant qu’un éducateur évoque l’influence désastreuse des parents sur le mineur, les pressions pour les retours à la maison, ou encore un grand problème de maturité ou des traumatismes. Un enfant qui sera apte à s’exprimer selon l’éducateur sera celui qui aura éventuellement été briefé au préalable. Il n’est ainsi pas rare que les parents se présentant à une audience s’aperçoivent que leur enfant a pu s’exprimer préalablement en présence de l’éducateur.

Il est aussi arrivé qu’un mineur arrivé trop tard à une audience n’ait pu rencontrer l’éducateur auteur d’un recueil de renseignements socio-éducatifs et contredise ensuite devant le juge les paroles que l’éducateur lui avait mis dans la bouche à travers son rapport.

En admettant même la capacité de discernement de l’enfant, celui-ci n’en est pas moins  vulnérable face à des pressions, même s’il bénéficie d’un avocat.

Le rôle de l’avocat

La loi prévoit que l’enfant peut choisir son avocat, à défaut ce sera au bâtonnier de le lui désigner. Mais logiquement, d’après ce que nous venons de mettre en évidence l’enfant ne peut s’exprimer et donc bénéficier d’un avocat que s’il est considéré comme apte à comprendre le rôle de l’avocat et notamment à saisir que l’avocat peut faire part de ses demandes et les défendre. - Designation d'un avocat à l'enfant

Comme un malaise

Qui peut penser qu’un mineur, surtout de moins de 15 ans, va faire la démarche de s’informer sur les différents avocats et d’en choisir un en toute connaissance de cause ?

En lisant sur un formulaire à trous l’écriture malhabile d’une enfant de 12 ans, traumatisée par une procédure très conflictuelle entre ses parents, écrivant au bâtonnier qu’elle voulait que tel avocat soit désigné pour la représenter, on peut ressentir une impression de  malaise. Manifestement dans un tel cas la désignation de l’avocat est abusive car la faculté de discernement est très douteuse.

Douteuse, quand le parent qui décide de régler ses comptes emmène l’enfant voir un avocat qui lui a été conseillé et qui servira de deuxième avocat du parent contre l’autre parent.

Le même problème se pose avec l’enfant en foyer dont les parents souhaitent l’audition assistée par un avocat. Qui va rencontrer l’avocat et demander à l’enfant de le désigner comme son avocat ? Qui sinon l’éducateur qui aura pu aussi s’exprimer sur sa vision de la situation ou faire choisir un avocat ami des services sociaux ?

L’avocat de l’enfant, pour n’être que l’avocat de l’enfant et non le porte-parole des adultes doit donc défendre son indépendance de façon sourcilleuse. Un tel exercice demande une probité exemplaire et des capacités de fin psychologue. On peut donc considérer que l’avocat qui fait s’exprimer l’enfant devant une des parties, que ce soit l’un des parents ou un personnel de l’ASE ne peut valablement représenter l’enfant en toute indépendance et manque ainsi à ses devoirs déontologiques.  Il ne peut non plus intervenir s’il était préalablement en relation avec une des parties ce qui relèverait du conflit d’intérêt. Et pourtant la désignation de l’avocat de l’enfant se fait souvent sur une suggestion qui n’a rien de neutre.

Difficile pourtant de dénoncer ce potentiel conflit d’intérêt sauf à en avoir une preuve.

L’idéal serait que l’avocat soit un parfait inconnu pour les parties, n’appartienne pas au même club de tennis ou ne fréquente pas le même médecin que le papa, la maman ou la fonctionnaire de l’ASE. Qu’il ne recueille que la parole de l’enfant et s’assure que cette parole ne lui a pas été dictée, qu’il estime la capacité de discernement du mineur. Il pourra alors faire part à l’oral de cette parole au juge en exprimant toute réserve considérant la maturité de l’enfant mais sans occulter la moindre information qui lui serait confiée quand bien même il la considérerait fantaisiste. L’exercice est donc ardu et non empreint d’une certaine subjectivité.

Il pourra ensuite assister le mineur devant le juge lors de son audition. Mais le rôle de l’avocat de l’enfant devrait s’arrêter là, la loi ne lui donne pas davantage de prérogatives, ne lui permettant pas non plus d’émettre des écrits ou des pièces lors de la procédure.

L’audition du mineur en justice est donc une opportunité qui ne doit pas être écartée au nom de la prise en compte de l’intérêt de l’enfant. C’est cependant un exercice périlleux qui doit être encadré, soumis au contradictoire et pour lequel tout incident mis en avant par l’une ou l’autre partie doit être considéré avec sérieux.

Peut-on alors faire confiance au bâtonnier ?

Selon la Cour d’Appel de Douai du 3 novembre 1992, on peut :

"  Malgré le choix initial du conseil par la mère et le risque de conflit d’intérêts, on doit considérer comme valable le mandat de représentation donné par un enfant de sept ans doué d’une intelligence fine et pertinente étroitement mêlé au conflit de ses parents  ; en effet la désignation de ce conseil par le bâtonnier de l’ordre des avocats garantit l’absence de lien économique entre le conseil de la mineure et le représentant légal.  "

Donc, a contrario, faute de discernement l’avocat du mineur ne serait qu’un avocat-bis de celui qui lui a fait désigner. Le conflit d’intérêt serait là évident et le mineur réifié au service de la partie lui ayant fait désigner un avocat. Il suffit d’examiner les demandes de l’avocat du mineur et de les rapprocher de celle de la partie fautive pour mettre en évidence ce conflit d’intérêt.

Pour autant le fait que le bâtonnier de l’ordre des avocats ait désigné l’avocat du mineur ne garantit en rien que le mineur possède le discernement nécessaire. On peut s’étonner que le bâtonnier puisse accepter qu’un mineur indique l’avocat qu’il souhaite se voir désigné alors même que, dans une affaire qui nous a été exposée, un des parents non déchu de son autorité parentale ait averti le bâtonnier du risque de conflit d’intérêt. Le bâtonnier, tel Ponce Pilate, répondra qu’il appartient à l’avocat désigné de se positionner !  On devine ce que fera l’avocat en question.

Publié : le 09/10/2012 par comitecedif

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